FILM
"Comme une envie de se surpasser"
Jacques Gamblin et Fabien Héraud donnent corps à cette histoire de relation père-fils
Le 26 mars sort sur les écrans un film formidable, "De toutes nos forces", qui met en scène la relation renouvelée d’un père avec son fils IMC, grâce au sport. Pour Ombres et Lumière, le réalisateur Nils Tavernier revient sur ce projet.
Comment est né le projet de ce film ?
Le film est tiré d’une histoire vraie, celle de la famille Hoyt aux Etats-Unis. J’ai trouvé cette histoire exemplaire, et j’avais envie de la retranscrire avec une famille d’ici. J’ai choisi un jeune IMC parce que j’ai deux amis qui sont atteints de ce handicap. La rencontre que j’ai faite avec ces jeunes et leur famille m’a donné de la force, m’a fait du bien. J’ai eu envie de le partager. Les infirmes moteurs cérébraux, comme d’autres handicaps, gèrent difficilement leurs émotions. Ils ont une sensibilité à l’autre souvent plus frontale. Parfois, ça peut être désocialisant, parfois, lorsque c’est contenu, comme dans le film, ça donne une émotion qui me touche beaucoup.
Pourquoi vous être intéressé à la figure du père ?
Parce que je comprends beaucoup moins bien les autres relations familiales… La relation père/fils est proche de moi. Le plus beau compliment qu’on puisse me faire, c’est de dire que ce n’est pas un film sur le handicap, mais une histoire d’amour entre un père et un fils, une histoire de réconciliation. Une réconciliation dûe à la force de l’enfant et à la remise en question des parents devant lui. Mes films tiennent à peu près tous le même discours ; c’est de dire aux grandes personnes : écoutez les enfants ! C’est de dire aussi que, même quand des personnes sont très éloignées, elles peuvent se retrouver, par un travail des deux parties. Dans le film, le chemin est parcouru par les deux en même temps… même si l’élément moteur est l’enfant. [b]L’enfant vient chercher son père. A la fin, pendant la course, il le remet en route quand il flanche…[/b] Cet enfant est réparateur. Il répare sa relation avec son père ; il répare son père, dans l’amour perdu vis-à-vis de lui-même ; et il répare aussi le couple de ses parents. C’est une sacrée force de frappe ! Si j’avais à comparer le film à une thérapie, ce serait une thérapie comportementale ; je n’ai pas fait un film intello, qui cherche les causes... Le fils est allé chercher son père là où celui-ci a lâché son propre bonheur, qui était dans le sport. Il lui dit : "Papa, tu as oublié de faire du sport depuis que je suis né." Quelque part, il le met en conflit avec lui-même, avec ce qu’il a été. En fuguant en pleine nuit, il accule son père à prendre une décision. Le père va se rendre compte qu’il reprend plaisir avec son propre corps, il va réaliser la douceur, la tendresse qui naît entre eux, sans que les mots soient mis… et va redevenir quelqu’un qui prend sa vie en main.
La tentation de fuite vous paraît-elle compréhensible ?
Bien sûr, comment jugerais-je quelqu’un qui a envie de partir ? Et les parents qui imaginent supprimer leur enfant par fatigue, ou parce qu’ils n’en peuvent plus de voir leur enfant souffrir ? C’est humain. Tout comme ces mères qui se surinvestissent, qui refusent de sortir quand leur enfant est malade… Mais ce que j’ai vu par ailleurs, ce sont des gens qui, quand ils se réveillent, deviennent des héros… Des parents qui s’engagent, créent des choses, se lancent dans des projets qu’ils n’auraient jamais réalisé avant. Cette pulsion vient de leur enfant, comme une envie de se surpasser.
Dans le film, les parents ont des rôles assez classiques…
C’est vrai. La mère dans le souci de protection, le père dans le défi sportif… L’homme en élément séparateur, dans un rapport plus physique que verbal avec son enfant. C’est quelque chose de très universel. On peut tous s’y reconnaître.
Vous avez choisi de travailler avec un acteur lui-même handicapé. Pourquoi ?
J’ai toujours dit à mon producteur que je ne ferais pas le film si l’enfant n’était pas IMC lui-même. C’est une manière de les respecter, de considérer qu’ils sont capables, eux aussi… Je voulais le film le plus sincère possible, autant que peut l’être une fiction. Et je ne me sentais pas capable de former un acteur qui puisse retranscrire l’émotion qu’une personne IMC a dans le regard. Je crois que j’avais raison là-dessus. Tous les gens à qui je montre le film sont éblouis par la force de cet acteur ! Et sur le plateau, il a été exceptionnel. En trois jours, il a suscité l’adhésion de toute l’équipe.
Il se dégage de la joie de ce film…
Le fils a une force de vie énorme... Quand il sourit, c’est un cadeau. Le producteur m’a dit : le sourire de cet enfant, c’est le plus beau paysage que j’aie filmé pendant ce tournage. La joie dans ce film, c’est la joie des retrouvailles, la joie de gagner, la joie de se dépasser soi-même, la joie de la tendresse sincère. Je crois qu’on sort du film ultra gai ! J’assume le happy end.
Propos recueillis par Cyril Douillet et Florence Chatel
De toutes nos forces
Julien, un adolescent IMC, vit à la montagne entre une mère hyper protectrice et un père distant et fermé. Souffrant de cette situation, il rêve d’accomplir avec ce dernier la course de l’Iron man, à Nice, un triathlon éprouvant et mythique. Peu à peu, le père se laisse convaincre de relever le défi… Sur ce schéma simple (trop, diront peut être les cinéphiles), et grâce à l’énergie incroyable des acteurs (Jacques Gamblin, en père abrupt ; Fabien Héraud, jeune acteur handicapé, en ado déterminé), Nils Tavernier réalise un film profondément humain et généreux. Un concentré d’émotion brute, qui donne envie de se dépasser et de se réconcilier avec ses proches. A voir en famille, à partir de 12 ans.
C. D.
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