20070121

Brétignolles 2007 (pour améliorer l'accueil dans nos communautés )













Différentes idées pour améliorer l'accueil dans nos communautés


-- se dire bonjour,
-- sourire,
-- s'entendre appeler par son prénom,
-- vouvoyez si cela est nécessaire,
-- l'accueil avec un objet spécifique (que chacun peut rapporter chez soi)
-- par une attitude, un contact : une poignée de main pour certains, un bisou pour d'autres...
-- chacun tire au sort un prénom écrit sur un papier (parmi tous les prénoms des personnes de la communauté). Et, dans les jours qui nous séparent de la prochaine rencontre Foi & Lumière, trouver un moyen pour montrer que l'on pense à celui ou à celle dont on a tiré le prénom.
-- être attentif à ce que les parents peuvent faire mention de telle ou telle demande : besoin d'une disponibilité pour garder un enfant / un jeune (par exemple),
-- le temps de la rencontre, un (ou 2) adulte est plus responsable d'un enfant / d’un jeune durant ce temps de rencontre : cela peut permettre à des parents de souffler un peu plus.
-- un jeu : des jeunes qui guident un adulte qui a les yeux bandés. Créer un binôme pour la journée. Ces binômes sont préparés dans le temps de préparation du week-end.
-- Quelqu'un qui arrive (même en retard) on s'intéresse à lui dès son arrivée en chantant " bienvenue... bienvenue chez nous.... " Tout s'arrête parce que ce qui est le plus important, ce sont ceux où celui qui arrivent.
-- que faire avec nos jeunes, même s'il faut faire plus lentement
-- faire le rangement (de fin ) avec les jeunes.
Eh bien sûr toutes les idées que n'ont pas exprimées...ceux qui n'étaient pas là.

Lettre de Jean Vanier ( Noël 2006 )


Novembre/décembre 2006
Je commence cette lettre à Bangalore (Inde) où je donne une retraite pour les membres et les amis les plus anciens de nos communautés Asha Niketan en Inde. Hier j’ai terminé une retraite de deux jours pour les jeunes et pour ceux qui sont dans un Asha Niketan depuis moins de temps. Quand je suis arrivé à Bangalore mardi dernier j’ai été très ému par l’accueil de nos communautés, toutes les quatre rassemblées pour un jour de célébration. Tous ensemble nous étions 150 : 60 venaient de Kolkata – 36 heures de train ! - 40 de Nandi Bazaar, 20 de Chennai et 30 de Bangalore. J’ai rencontré nos frères et soeurs indiens il y a bien longtemps. J’ai presque pleuré d’émotion quand j’ai été accueilli par Srinivas, Veeran, Modhu, Mitran et beaucoup d’autres hommes et femmes que j’avais connus dans les débuts d’Asha Niketan. Certains étaient alors très violents et sont maintenant des personnes de paix , des personnes transformées, qui sont bâtisseurs de communauté. La joie et la paix qui jaillissaient de cette magnifique rencontre étaient semblables à la joie et la paix qui doivent jaillir lorsque nous découvrons le Royaume de Dieu. Dans un de ses poèmes, Tagore, le poète bengali, écrit : " L’orgueil ne peut jamais s’approcher de toi, là où tu marches, dans les vêtements de l’humble, parmi les plus pauvres, les plus bas et les perdus" (Gitanjali 10). .Oui, Dieu est vraiment présent dans le pauvre, l’opprimé, l’exclu. Mais les personnes accueillies à Asha Niketan ne sont plus si pauvres, car elles sont riches d’amour, de bonté et de tendresse. Elles ne sont plus seules car elles sont dans un lieu d’appartenance. Elles ne se sentent plus exclues car elles sont reconnues.
Je me souviens des débuts de l’Arche avec le Père Thomas il y a 42 ans. Je ne savais pas ce que je faisais. J’ai commencé à vivre avec Raphaël et Philippe. Je ne savais pas du tout où ils allaient m’emmener ni les conséquences de cet engagement. Et jamais dans mes rêves les plus fous j’aurais pu imaginer que je reviendrais en Inde des années plus tard, accompagné de Martha Bala qui était à Asha Niketan en 1974-1978. L’Arche est vraiment un miracle de la Providence. Ce temps passé en Inde a confirmé en profondeur que nos communautés sont l’œuvre de Dieu. Le prophète Isaïe annonce la vision de la Providence quand il proclame au nom de Dieu :
" Ne crains pas car je t’ai racheté (libéré)
Je t’ai appelé par ton nom : tu es à moi.
Si tu traverses les eaux je serai avec toi…
Car je suis Yahvé, ton Dieu…tu as du prix à mes yeux et moi je t’aime…
Ne crains pas, je suis avec toi ". (Is 43)
Chacune de nos communautés à travers le monde est passée par des crises, des moments de souffrance, et pourtant chacune est toujours là, pleine de vie. Oui, nos communautés sont vraiment l’œuvre de Dieu. Et ce n’est pas seulement la transformation des personnes marquée d’un handicap qui est si belle, mais aussi la façon dont des centaines d’assistants et d’amis ont été transformés. Notre vie ensemble, notre amitié, nos relations d’alliance, révèlent notre mission dans un monde qui méprise, dédaigne et écarte si rapidement le faible et le petit, où tant de personnes sont tuées, parfois avant même leur naissance. Les personnes ayant un handicap – comme toute personne – sont précieuses, sacrées, et doivent être respectées. Elles ont un don à offrir à chacun de nous. Dans un monde qui cultive l’efficacité, la recherche du pouvoir et de la richesse, les personnes marquées d’un handicap révèlent la valeur de la tendresse aimante et de l’attention les uns aux autres. Dans un monde qui favorise l’individualisme, nos communautés révèlent l’importance de vivre l’appartenance, de célébrer la vie ensemble, et de célébrer chaque personne. Dans un monde où chaque personne, chaque pays et groupe religieux veut un Dieu de puissance qui exerce son pouvoir et sa domination, les personnes faibles révèlent le Dieu d’amour, de douceur et de pardon. A mesure que j’avance en âge je réalise quel privilège c’est pour moi de passer la majeure partie de ma vie avec mes frères et sœurs qui, dans leur humilité, m’ont mené sur le chemin de l’amour. J’espère et je prie qu’en avançant en âge et en faiblesse je pourrai continuer à partager ma vie et ma mort au milieu d’eux.
Anna Polikovskaia, la journaliste russe récemment assassinée à Moscou parce qu’elle dénonçait les mensonges politiques, les injustices et la corruption, a dit : " une vie qui n’est pas donnée pour que les petits et les insignifiants puissent vivre, est une vie perdue ". Elle disait que travailler pour la justice, la paix et la vérité n’est pas réservé aux super héros mais à tous ceux d’entre nous qui veulent donner leur vie pour que nous puissions tous vivre une vie pleinement partagée.
J’aurais beaucoup à partager avec vous sur nos communautés en Inde et comment Kunni, Coordinateur de l’Arche en Inde, les conduit et les soutient, mais je n’ai pas la place dans cette lettre. J’aimerais partager juste au moins une chose : Rakki, la responsable de la communauté de Kolkata, me racontait comment les gens de la communauté étaient importunés et moqués par des jeunes du voisinage. On leur volait des chaussures devant la salle de prière, et d’autres choses. La communauté décida de monter une représentation théâtrale devant le foyer, avec la participation de tous les membres. Le thème était inspiré d’un récit de Tagore : récit d’un conflit entre ceux qui étaient légalistes et ceux qui étaient très ouverts et libéraux, et qui se termine dans la réconciliation et la compréhension mutuelle. Environ 300 personnes du voisinage sont venues et elles furent si enthousiasmées qu’elles demandèrent à Rakki de recommencer six mois plus tard ! Et Rakki ajouta que les gens du voisinage ne se moquent maintenant plus de nous mais, au contraire, nous acceptent de mieux en mieux. Asha Niketan est un petit signe pour cet endroit, il annonce une vision d’amour et d’accueil pour tous.
Depuis ma dernière lettre, j’ai participé à différents événements. Peut-être avez-vous tous ri quand j’ai dit que j’allais prendre ma retraite ! En fait j’ai un rythme plus ralenti et je prends plus de temps pour la prière, la solitude et la lecture. Je voyage moins et je limite mes engagements. Je suis si heureux d’être davantage dans ma communauté et mon foyer " le Val ". J’aime les moments de communion que je partage avec Jean-Christophe et Christine et Louis. C’est un tel cadeau de prendre du temps ensemble, de rendre grâce pour tout ce qui est donné et de porter dans la prière ce qui est douloureux et difficile.
En septembre dernier j’étais à Assise, pour la commémoration de la première rencontre internationale suscitée par Jean-Paul II en 1996 pour les responsables religieux du monde entier. C’est la communauté de Sant’Egidio qui organisait cette célébration. Nous nous sommes tous réunis pour partager et prier pour la paix et être un signe de paix et de prière aujourd’hui. Il y avait divers ateliers, avec des responsables musulmans, des rabbins juifs, des Evêques et autres responsables religieux qui se réunissaient pour partager sur différents sujets. J’étais dans l’atelier " Amour de Dieu et amour des hommes ". J’ai partagé surtout sur Ghadir, une jeune musulmane ayant de lourds handicaps, que nous avons accueillie dans notre communauté de l’Arche près de Béthanie, et comment ma rencontre avec elle avait été un signe de Dieu et un lieu de transformation pour moi.
Plus tard, je participais à un symposium organisé par le Professeur John Swinton, à l’université d’Aberdeen (Ecosse) sur " L’Arche : un lieu de tendresse ". L’autre principal intervenant était le Professeur Stanley Hauerwas, théologien réputé de l’université de Duke (USA). J’ai été surpris par tout ce qu’il connaît de nos communautés, notre pédagogie, notre façon de vivre, et le message de l’Arche pour le monde d’aujourd’hui. J’ai été ému de la façon dont il parlait de la tendresse, et de l’Arche comme lieu de croissance et de guérison.
En octobre, j’étais à Cracovie (Pologne) pour une retraite avec l’Arche, Foi et Lumière et des amis. Cela m’a rappelé beaucoup de souvenirs des premiers contacts de l’Arche là-bas en 1982 sous le régime communiste. La première communauté de Sledziejowice devait rester très cachée, discrète et refermée, pour ne pas attirer l’attention des autorités. Foi et Lumière avait déjà commencé depuis quelques temps à Wroclaw et à Varsovie. Tant de choses se sont passées pour L’Arche comme pour Foi et Lumière depuis ! J’ai aussi donné une conférence à l’université de Varsovie et j’ai pu faire un petit pèlerinage au camp de concentration d’Auschwitz où Etty Hillesum et tant de juifs ont été exterminés. C’était très émouvant pour moi de prier là, et de prier pour tous ceux qui sont écrasés et assassinés aujourd’hui.
La croissance de l’Arche et de Foi et Lumière est comme un petit miracle. Je crois que cette croissance est pour nos sociétés, et surtout pour tous ceux qui croient dans le mystère de Dieu et dans la relation personnelle entre Dieu et chacun de nous, et pour ceux qui ont découvert que les plus pauvres et les plus faibles sont proches de Dieu. Ils ne cherchent pas le pouvoir, mais la relation, des amis. Je me souviendrai toujours de ma première visite au Val Fleuri en 1963, la rencontre avec les hommes du Val et leur cri, verbal ou non-verbal : " Est-ce que tu m’aimes ? " Est-ce que tu veux bien être mon ami ? " Les personnes marquées d’un handicap mental sont vraiment attirées par le message de Dieu et de l’Evangile.
Etty Hillesum a tellement parlé de chaque personne comme demeure de Dieu. Tagore nous rappelle aussi que nous sommes tous appelés à devenir un " sanctuaire de Dieu ".
" Vie de ma vie, toujours j’essaierai de garder mon corps pur,
sachant que sur chacun des membres repose ton toucher vivant.
Toujours j’essaierai de garder mes pensées de toute fausseté,
sachant que tu es cette vérité qui éveille la lumière de la raison de mon esprit.
Toujours j’essaierai d’écarter toute méchanceté de mon cœur
et maintenir en fleur mon amour,
sachant que tu as ta demeure dans le sanctuaire secret de mon cœur.
Et ce sera mon effort de te révéler dans mes actes,
sachant que c’est ton pouvoir qui me donne force pour agir " (GITANJALI 4)
Nous sommes tous appelés à laisser Dieu venir vivre au plus intime du sanctuaire de notre cœur et à révéler Dieu à travers nos vies et nos paroles. Puisse Dieu " garder notre amour en fleur ", c’est cela le secret : laisser nos cœurs s’épanouir en fleur et porter beaucoup de fruit.
Si je suis encore appelé à voyager un peu, ma joie est aussi de donner des retraites à " la Ferme " ici à Trosly où je peux parler de la spiritualité de l’Arche, dire comment ceux qui sont faibles et vulnérables peuvent nous changer et nous guérir. Le week-end dernier a été un moment très spécial pour moi et pour la communauté. En collaboration avec différentes associations de Paris, j’ai donné une retraite pour quatorze " gens de la rue ", accompagnés de quatorze de leurs " amis ". Le premier soir, chacun a partagé son histoire. C’était un cadeau de leur parler de l’amour de Dieu pour chacun d’entre nous.
Avec cette lettre j’envoie mon amour à chacun de vous pour Noël et le Nouvel An. Que Dieu puisse renaître dans nos cœurs et que notre amour puisse " rester en fleur " " et nos vies révéler la présence de Dieu.
Jean Vanier