20160515

Quelques rayons de soleil de Syrie




Quelques rayons de soleil de Syrie


Lettre de Mirna
Chers amis,
Je voudrais partager avec vous quelques instants de vie au milieu de la tension, des soucis et de la

tristesse.
A Alep, nous vivons chaque jour en espérant que le jour d’après sera un peu meilleur. Nous ne comprenons pas ce qui nous arrive. Nous continuons à recevoir des missiles, des bombes et à entendre beaucoup de coups de feu provenant d’armes diverses. Chaque jour, nous apprenons la mort de nouveaux martyrs. Mais nous continuons à travailler, à nous rendre visite, à voyager vers d’autres villes.





Toutes sortes de nourriture, pain, fruits et légumes sont disponibles, mais nous continuons à subir des coupures d’eau et d’électricité. Les systèmes de distribution peuvent s’arrêter pendant plusieurs semaines ; les gens sont fatigués de devoir aller chercher de l’eau, de porter des bouteilles, des seaux provenant de puits récemment creusés pour que tous puissent avoir accès à l’eau. Le problème de l’électricité est résolu par des générateurs, mais seulement pour quelques-uns, les plus pauvres ne peuvent en profiter. La Syrie souffre aussi de perdre des jeunes, des familles… chaque semaine, nous disons au revoir à des amis, des parents, des voisins : les gens affrontent toutes sortes de dangers pour atteindre l’Europe. Et il n’y a toujours pas de signe de paix… mais nous continuons à entendre, voir et être les témoins de quelques lumières dans nos journées. Je peux vous en partager quelques-unes.
J’ai été très impressionnée par la puissance de vie d’une femme dont la maison a été très endommagée par une roquette Hawn. Elle m’a dit : « mon mari est allé enterrer notre fille et je suis restée pour nettoyer la maison et enlever les traces de sang, nos autres enfants vont bientôt arriver ». Elle était si triste, elle pleurait, mais la porte de la vie restait ouverte, elle restait disponible pour la vie.
Une autre fille m’a raconté que sa vie était comme accélérée au milieu des nombreuses pertes qu’elle subissait. Elle me disait qu’elle n’avait pas le temps de faire le deuil de ses amis, parents et voisins : « une fois, quand j’ai ressenti qu’un de mes amis me manquait, j’ai essayé de l’appeler au téléphone, puis j’ai réalisé qu’il était mort depuis plusieurs semaines ».
Les communautés interreligieuses sont si importantes ; pendant les crises, les personnes ayant un handicap sont les plus vulnérables, elles sont les dernières dont on va s’occuper, et la priorité est donnée aux autres enfants. Les familles ont tellement de soucis, d’angoisses, de peurs, qu’elles ont moins le temps de prendre soin de leur enfant handicapé, on l’écoute moins, on lui parle moins pour lui expliquer tout ce qui se passe. Au cours d’une réunion d’une communauté interreligieuse, une mère nous a dit toute sa fatigue, elle était proche de l’épuisement. Elle avait prévu d’aller voir un psychiatre, mais c’est alors qu’elle a été invitée à une rencontre de communauté interreligieuse (un rayon de lumière) et après quelques réunions, elle nous a dit : « maintenant, je ne ressens plus le besoin d’aller voir un psychiatre, je me sens plus à l’aise, je ne sais pas ce qui se passe, rien n’a changé, mais je me sens mieux ; j’ai vu que mon enfant était heureux, j’ai rencontré d’autres femmes comme moi, les amis de la communauté m’ont accueillie avec mon enfant, c’est une vraie famille dont je sens que je fais partie ».
La semaine dernière, avec un autre ami, nous sommes allés voir Serjio (il est mon ami à Foi et Lumière) pour fêter son anniversaire : il était très heureux de nous voir, ce fut une fête très très simple avec juste un petit gâteau et une tasse de café, nous étions peu nombreux, nous avons bavardé, ri, chanté, nous nous sommes rappelés nos histoires communes, les moments joyeux, les moments tristes, et comme à son habitude, Serjio nous a invités à prier. Pour moi, ce fut un rayon de soleil, célébrer la vie au milieu de la mort, rencontrer des amis au milieu de la division, vivre des moments paisibles au milieu de la guerre, vivre des temps de paix intérieure au milieu du chaos.
J’ai aussi été invitée à la cérémonie de mariage de deux amis : c’était à trois heures de l’après-midi, une heure inhabituelle car à Alep, les mariages se célèbrent le soir et sont suivis d’une fête qui démarre à minuit et qui dure jusqu’au matin. J’étais heureuse de voir ce couple entouré par les amis qu’il leur restait. Nous avons fait moins d’efforts pour les habits, les cadeaux, la fête, mais nous étions là pour fêter avec eux leur engagement, pour les encourager. Ils ont pris une décision courageuse dans la situation présente, une décision fondée sur leur désir de continuer, sur leur foi dans la vie, sur leur espérance pour l’avenir, même s’il n’y a pas de signe d’un bon futur à court terme. Leur décision a allumé une grande lumière d’espérance au milieu d’une jeunesse désespérée. Les crises nous ont rappelé, à nous les témoins, le véritable mystère du mariage.
Il me semble que nous sommes comme l’homme insensé de l’Évangile : nous avons construit notre sentiment de sécurité (notre maison) sur des rêves virtuels, sur le sable (une belle maison, une bonne santé, de l’argent, des amis, des biens, un bon travail, des enfants, des parents, une éducation, une bonne position, une bonne réputation, même sur Dieu qui est derrière tout cela). Mais quand les crises sont arrivées (la pluie, les torrents, les vents), tout cela s’est écroulé dans un grand fracas, et tous sont terriblement déçus, perdus, déracinés. Ils pensent qu’il n’y a plus de sens à la vie, plus de futur, plus de Dieu. Pour moi, j’ai revu l’infrastructure de ma maison, l’infrastructure de mon sens de la sécurité : cela nécessite plus d’écoute et d’obéissance à la parole de Dieu. Quand mon sens de la sécurité proviendra de l’amour de Dieu, ma vision de la vie, de l’avenir, de moi-même, des autres, et même de mon ennemi sera très très différent… et rien ni personne ne pourra me l’enlever.
Une jeune réfugiée irakienne de dix ans a été interrogée à la télévision. Elle a expliqué combien sa vie avait changé, tout ce qu’elle avait perdu, son école, sa maison, des parents, des voisins, des jouets ; elle demandait qu’on l’aide à retrouver sa meilleure amie, elle ne sait pas où elle est. Le journaliste l’a aidée pour qu’elle puisse passer un appel à ses amis. Mais ce qui m’a le plus impressionnée, c’est qu’elle ne manifestait aucune haine à l’égard de ceux qui lui avaient causé tout cela, elle leur pardonne, prie pour eux et demande à Dieu de les guider.
S’il vous plait, priez pour les Syriens, pour la paix et pour moi. Merci
Mirna

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